TUTSI

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TUTSI

Les Tutsi existent-ils? Cette question paradoxale s’impose comme le préalable à toute tentative d’analyse des événements politiques du Rwanda et du Burundi, d’interprétation des controverses universitaires.

Les Tutsi sont principalement concentrés au Rwanda et au Burundi où ils forment de petites minorités démographiques (respectivement 8 et 10 p. 100 environ). Au gré des exodes successifs qui ont marqué l’histoire de ces deux pays, les Tutsi se sont aussi implantés durablement dans les pays voisins et notamment jusqu’en 1994 en Ouganda.

L’histoire précoloniale dévoile l’extrême complexité d’une organisation sociale tutsi qui se serait fixée dans cette zone après une lente migration venue du nord à partir du XV^e siècle. L’ensemble tutsi — comme l’ensemble hutu — recouvrait en réalité des situations sociales et politiques extrêmement différenciées d’une région à l’autre. Schématiquement, à une domination tutsi sans partage — reposant sur la violence et sur un contrat (matérialisé par le prêt de vaches), fondateur de servage (ubuhake ) — exercée dans l’actuel Rwanda répondait un système de domination associant Hutu et Tutsi à tous les niveaux d’une échelle sociale structurée, notamment autour d’un contrat de clientèle (ubugabire ), créant des réseaux réciproques et hiérarchisés de dépendance. Dans tous les cas, et notamment au Burundi actuel, l’identité ethnique affichée n’avait pas de conséquence discriminatoire irrémédiable, automatique et unique sur la position sociale et le prestige politique.

La colonisation allemande puis belge fondée sur la raison ethnographique et bureaucratique a systématisé à partir de situations locales très spécifiques les différences «ethniques» sur des bases morphologiques pour en faire des critères uniques d’identification et de discrimination des statuts politiques et économiques. De la sorte, la communauté de croyance religieuse, de langue, de statut et de résidence va être systématiquement écartée au profit d’une différence présentée comme fondamentale et primordiale. Le Tutsi s’impose alors dans la raison coloniale comme un pasteur et guerrier d’origine hamite, aristocrate et exerçant sa domination sur des roturiers et paysans hutu, petits et inférieurs. Il devient alors un intermédiaire indispensable à la gestion coloniale avant d’être lâché quelques années avant la décolonisation au profit des Hutu dont la force numérique devenait un argument fondamental pour l’affirmation de la légitimité démocratique.

Il y a donc eu réinvention de l’identité ethnique par la colonisation puis par les élites indépendantes. Ainsi, et en dépit de son inexistence «historique», il est possible de rencontrer l’ethnie tutsi et d’analyser le conflit politique en terme d’opposition tutsi/hutu, celle-ci indiquant non pas la confrontation de deux «groupes ethniques ancestraux» mais de deux fractions sociales inventées par la convergence de stratégies éclatées de politisation.

Les élites tutsi du Rwanda, accrochées à leurs privilèges, sont chassées du pouvoir par un coup d’État en 1962, et un début de génocide contre tous les Tutsi entraîne un exode massif. En exil notamment en Ouganda, les plus jeunes ont rejoint dans les années 1980 les troupes de Yoweri Museveni, puis mené une guérilla qui aboutit, au milieu de massacres systématiques organisés par les extrémistes hutu rwandais, à la prise du pouvoir en 1994 par le Front patriotique rwandais (F.P.R.). Au Burundi, en réaction aux événements rwandais de 1962, les extrémistes tutsi s’approprient le pouvoir après s’être débarrassés des modérés et de leurs organisations multiethniques, et tentent à leur tour de se protéger de la concurrence hutu en organisant des «génocides sélectifs» successifs (en 1972 notamment) visant à faire disparaître les élites hutu. Ce système ne s’entretient que par le recours systématique à la violence.

Être tutsi (ou hutu) ne fait plus référence à une lignée d’ancêtres plus ou moins mythiques, mais à une surdétermination politique. La représentation identitaire est reconstituée en permanence par les groupes sociaux en conflit. Dès lors, et bien que se formant à partir des mêmes éléments qu’auparavant, elle n’entretient qu’un rapport lointain avec celle qui prévalait pendant les périodes précoloniale et coloniale. Cette complexité se révèle par l’incohérence apparente qui conduit des voisins d’ethnies différentes, selon les passions du moment, à s’entretuer et à se soutenir, à cohabiter et à se massacrer, à survivre ensemble et à se détruire. L’ethnie n’est plus une simple étiquette affective, expression d’une personnalité complexe, mais une qualité intrinsèquement porteuse de promotion, de déchéance sociale, d’identification automatique des choix disponibles. La stratégie des élites consiste à tenter d’accaparer le pouvoir en détruisant systématiquement les concurrents potentiels par l’instrumentalisation de l’identité ethnique. La succession de massacres, de génocides et d’exodes a fini par imposer à tous les niveaux de la société la pertinence du critère ethnique comme élément unique de représentation des enjeux sociaux en dépit même de la cohabitation résidentielle et professionnelle. Être tutsi signifie alors, selon les configurations et le discours du pouvoir, être une victime potentielle ou au contraire être un bourreau potentiel. Aucune formation politique transcendant cette opposition et ignorant ce clivage n’a jusqu’ici réussi à s’implanter. En 1995, tant au Rwanda qu’au Burundi, le pouvoir est entre les mains des élites tutsi qui contrôlent l’armée mais demeurent sous la pression d’un rapport démographique extrêmement défavorable.

Tutsi ou Batutsi

ethnie du Burundi et du Rwanda. Ils sont minoritaires dans les deux pays (15 % de la population), où ils parlent les mêmes langues (bantoues) que les Hutu: le kirundi et le kinyarwanda. En outre, une petite communauté vit dans l'est de la rép. dém. du Congo. à l'automne 1996, son armée attaqua les camps de réfugiés rwandais. De là, toute une partie de la rép. dém. du Congo (alors nommée Zaïre) connut des troubles. La faiblesse de l'armée zaïroise apparut et les forces de Laurent-Désiré Kabila se mirent en branle dans cette région. V. Hutu. V. dossiers Rwanda (p. 1490), Burundi (p. 1395) et rép. dém. du Congo (p. 1420).

Encyclopédie Universelle. 2012.